Doudou, la résurrection

Cette semaine, Jules est allé chez mes parents. Jeudi matin, alors que je préparais le déjeuner d'Etienne dans la cuisine, ma mère me glisse : "Il y a eu un drame avec Doudou... Fish a mis la patte dessus... il l'a mis en charpie..."

Je vous jure que j'ai accusé le coup. Je n'ai pas pensé à la nuit à venir, non, j'ai vraiment eu mal au coeur. "C'est fini? ai-je demandé _Non, a répondu Maman en hésitant quand même un peu, mais il est misérable." Je demande à Jules d'aller me chercher Doudou, celui-ci m'informe que ce dernier "a eu un accident". Bon, au moins il le prend bien, d'ailleurs Maman me dit qu'il a bien dormi.

Pauvre Doudou. On aurait dit qu'il avait sauté sur une mine anti-personnel. Mon père l'a rafistolé tant bien que mal, il n'a plus qu'une petite poche balafrée en lieu et place de sa jupe (Doudou fait partie des doudous dit "à jupe"). Mon sang ne fait qu'un tour, ma détermination sera à la hauteur de l'injure. Je vais redonner à Doudou une jupe.

Le lendemain matin, direction Self tissus à Lorient. On choisit de l'éponge vert anis et de la polaire turquoise. J'ai à l'esprit ce tissu en pilou. Je n'ai aucune idée de comment je vais m'y prendre.

J'en ai bavé. J'ai d'abord défait les "sutures" de mon père. J'ai ensuite cousu au point zig-zag Doudou à des morceaux de tissus différents, puis j'ai cousu les morceaux de tissus entre eux. J'ai grogné cinq fois, juré dix fois, enragé vingt fois. J'ai froncé la pièce avec la tête pour qu'elle colle parfaitement avec la doublure en polaire, et là j'ai soufflé. Etienne se réveillait, c'était l'heure du goûter, j'en ai profité pour reprendre mes esprits. Jules a alors réclamé "des petites pattes", comme celles qu'il avait consciencieusement mordillé et avec lesquelles il se carressait la joue "mais je les mangerai pas, celles-là" m'a-t-il assuré. J'ai ressorti mon fil assorti, et j'ai serré quatre petites pattes; j'ai aussi fixé la tête à la doublure.

Je crois qu'on était tous les deux ravis du résultat. Etienne a bien dormi cet après-midi, mais Jules a attendu, attendu. Je m'en suis excusée auprès de lui : "C'est pas grave, Maman, fallait que tu finisses avant la nuit, parce que je peux pas dormir sans Doudou".

C'est le truc que j'ai fait avec mes mains qui m'a le plus enquiquiné. C'est aussi le truc dont je suis la plus fière. Au moment de se coucher, Jules a retourné Doudou côté polaire pour s'en faire un petit oreiller.

A la réflexion, j'aurais quand même pu soigner les finitions, et y ajouter une petite étiquette à pois, comme sur le coussin...